❯ Alors que je me préparais à quitter la chambre que j’ai occupé durant presque une semaine pour mon affaire, je jette mes affaires dans mon vieux sac tout rapiécé et fait tomber un petit carnet de cuir noir sur la vielle moquette horrible de la chambre. Je n’ai pas besoin de l’ouvrir pour savoir ce qu’il contient, je ne peux pas oublier tous les mots que j’ai couché sur le papier, dans l’espoir fou qu’un jour, ils arrêtent de hanter mes nuits. Je prends place sur le lit qui grince sous mon poids, j’ouvre une page au hasard, et me remémore les souvenirs qui ressurgissent.
Je n’avais pas vraiment pour vocation de devenir un chasseur, dans ma jeunesse, j’étais plutôt égoïste et je ne pensais qu’à m’amuser et prendre du bon temps. Je n’étais ni une élève, ni une employée modèle, je ne pensais qu’à fuir mes responsabilités, vivant dans l’insouciance de ma jeunesse. Je pense que je tenais ce trait de caractère de ma mère, femme entretenue par son riche mari. Elle passait ses journées à siroter des cocktails au bord de la piscine, la vie rêvée n’est-ce pas ? Qui n’a pas envie de la même chose ? En tout cas, je rêvais de facilité et j’ai eu tout le contraire ! Durant l’été qui précédait mon entrée à l’université, lorsque j’ai posé mon regard sur elle lors d’un petit tour à la bibliothèque du coin. Elle étudiait dans un coin, elle me paraissait être sage et timide, j’avais tort, elle était tout le contraire de cela. Je crois que je l’ai aimé aussitôt. Cette jolie brune a réussi à m’apporter tout ce dont j’avais besoin et bien plus encore. Je me souviens très bien avoir voulu l’impression avec mon esprit libre et rebelle mais elle a préféré ma douceur et mon esprit. Sophia. Au début, on trainait ensemble, passant notre temps à discuter de tout et de rien, jusqu’à ce que je me rende compte que son comportement pouvait parfois être totalement étrange, surtout lorsqu’elle revenait vers moi blessée. J’ai immédiatement pensé qu’elle avait un copain quelque part qui la battait, un soir, j’ai même débarqué chez elle pour botter les fesses à cet imbécile. A la place, je me suis retrouvée face à une Sophia, armée jusqu’au dent et apparemment prête à en découdre. Elle m’a rapidement renvoyé chez moi, assez froidement d’ailleurs, mais je ne l’ai pas écouté et j’ai décidé de la suivre. Ca a certainement été la pire et la meilleure idée que j’ai eue de toute ma vie. Elle a finis par se garer près d’un vieux hangar qui m’a donné la chair de poule. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire ici ?
J’ai pensé halluciner quand j’ai aperçu des sortes de… vampires ? Je n’avais pourtant pas bu une goutte d’alcool ! Mais le pire était à venir, Sophia a tranché, décapité et brûlé jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle et moi encore en vie. Je n’ai jamais autant tremblé de toute ma vie, je ne comprenais rien et la vision que j’avais de ma douce Sophia s’écornait terriblement. Avec ma discrétion légendaire, elle m’a repéré, pourquoi je me suis mise à courir ? Encore aujourd’hui je l’ignore, mais elle m’a suivi et m’a empêché de la fuir. J’avais pourtant envie de m’éloigner d’elle car elle me faisait peur. Sans un mot, elle m’a enfermé dans sa voiture, me permettant par la même occasion de reprendre mes esprits, et elle a finis par parler comme elle ne l’a jamais fait. Elle m’a parlé de sa vie, de son enfance jusqu’à maintenant, m’expliquant qu’elle n’avait d’autres choix que de devenir ce qu’elle était aujourd’hui. Et puis les grands mots sont sortis : démons, vampires, esprits… Je l’ai prise pour une folle, j’ai quitté sa voiture en trombe pour retourner à la mienne et m’en aller. J’ai passé la pire nuit de toute ma vie, repassant en boucle ce que j’avais vu, essayant de comprendre, mais rien de tout ça n’était logique ! Avait-elle dit la vérité ?
Sophia est revenue vers moi après une semaine sans nouvelle, elle était de nouveau pleine de bleus, c’est à cet instant que j’ai compris qu’elle me disait la vérité. Et elle a finis par m’embarquer dans son univers. Je ne faisais d’abord que consulter des sites internet ou des livres pour elle, puis, je l’ai convaincu de m’emmener sur le terrain avec elle avant de finir par devenir un chasseur à part entière. Terminées les idées d’épouser un riche pour vivre la belle vie, maintenant que je me sentais utile, j’étais devenue une acharnée du boulot, c’était moi qui dénichait les affaires pour nous, qui poussait Sophia à me suivre partout dans l’état. Nous formions un duo du tonnerre, cela me plaisait d’avoir trouvé ma moitié. Notre relation était profonde, elle était tout simplement faite pour moi. Mais le destin en avait décidé autrement. Je l’ai perdu, lors d’une mission que j’avais choisie, elle a été mortellement blessée et est morte dans mes bras. Ma Sophia n’était plus à mes côtés, tout me paraissait si sombre sans elle. Je suis devenue une folle furieuse, tuant tout ce que je pouvais tuer, mais cela ne l’a jamais fait revenir et ne m’a jamais soulagé.
La solitude est finalement devenue supportable, je préférais vivre seule que de m’attacher à quelqu’un d’autre et de ressentir la même douleur que lorsque j’ai perdu Sophia. Ne dépendre que de soi-même, j’ai commencé à aimer ça mais une affaire m’a donné du fil à retordre et j’ai été dans l’obligation de demander de l’aide à d’autres chasseurs. A la place, on m’a envoyé une petite tornade rousse qui ne fait que parler et parler et parler ! J’avais envie de la gifler au départ, elle était bien trop bruyante et expansive à mon goût, mais elle n’était pas mauvaise et ses conseils m’ont bien aidé à régler mon affaire. Charlie venait d’entrer dans ma vie, et plus je passais du temps à ses côtés, plus elle me faisait penser à Sophia, sauf peut-être que Sophia était un peu plus habile au combat. A mes yeux, Charlie est une petite chose fragile qui me donne l’envie de la protéger. Etrangement, elle me donne de moins en moins l’envie de rester dans ma solitude, alors, j’ai fini par trainer de plus en plus autour de Vegas, l’endroit où sa clique tente de fermer les portes de l’enfer. L’idée parait sympa, mais étant associable sur les bords, je me vois mal vivre en communauté sans que cela ne finisse par tourner mal. Ce n’est pas faute d’entendre Charlie lui demander encore et encore, et je me sens de plus en plus capable d’accepter juste pour être à ses côtés. Le paradoxe, lorsque l’on sait que je passe mon temps à repousser ma petite tornade rousse, refusant d’avouer que je suis totalement sous son charme…
Peut-être qu'elle est ma lueur d'espoir, peut-être qu'elle va finir par me faire craquer, mais en attendant, je conserve mon indépendance, parcourant encore le pays, mais revenant toujours à ses côtés dès que je le peux.