Je me retrouvais encore seule, une fois de plus. Oh, pas vraiment seule, non, il y a avait d’autres personnes coincées dans ce bunker, mais la personne qui comptait le plus à mes yeux en était absente et ça laissait un vide énorme. Alors, en attendant qu’elle daigne revenir, je l’attendais sagement. Pour passer le temps, j’avais dégoté un grimoire que je jugeais quasi médiéval au vu de son état, de son contenu et de ses pages. Un grimoire au sujet des démons. C’était devenu presque une fixation depuis cette histoire d’épreuves et aussi bien sûr depuis que mon ainée avait disparu. Je cherchais tout ce qui pourrait me permettre de les renvoyer là où ils le méritaient et de les empêcher de nuire.
J’étais en train de traduire un passage du grimoire datant de plusieurs siècles à voir les enluminures (c’est joli, mais cela ne facilite pas la lecture, je vous l’assure !), et je devais utiliser toute ma concentration pour parvenir à déchiffrer ce qui y était écrit. Une belle migraine était doucement en train de s’installer confortablement sous mon crâne. D’abord, recopier au propre sur une feuille de papier plus récente, afin de savoir lire ce qui était vraiment écrit. Ensuite commencerait la traduction, ma partie préférée. Pas évident à lire, certains passages avaient été presque effacés par le temps. Par le temps ou par autre chose ? Je répondrais à cette question plus tard. Le livre prenait toute mon attention quand des voix masculines m’appelèrent derrière la porte. Déconcentrée, j’allai ouvrir pour connaitre la cause de ce tapage. Deux de nos colocataires me demandaient si je voulais me joindre à eux. Bon, le grimoire attendrait, j’avais besoin d’aérer mes neurones, et c’était l’occasion rêvée. Et puis, Noa ne pourrait pas dire que je me montrais imprudente, puisque j’aurais une escorte ! Avant de sortir deux autres personnes nous avaient rejointes, attirées elles aussi par la possibilité de se changer les idées.
Cela faisait trop longtemps que j’attendais le retour de Noa. Pas de nouvelles. Jamais de nouvelles pendant une chasse. Mais là, le temps me semblait particulièrement long. Alors quand on m’avait proposé de sortir pour boire un verre, j’avais accepté, bien entendu. Attendre là ne servait à rien, à part à me faire imaginer les pires scénarios. Et j’avais vu assez d’horreurs pour que ce soit particulièrement affreux, merci bien. Cinq personnes, quatre chasseurs, on ne devait pas craindre grand-chose à chercher un peu d’air frais et de bière, non ?
Finalement, notre petite sortie me faisait du bien. Boire un coup et raconter des aventures passées, des quiproquos, des situations embarrassantes, rien de mieux pour se changer les idées et détendre l’atmosphère. Bien sûr, je ne disais pas grand-chose, je n’avais jamais chassé, mais j’avais d’autres histoires qui faisaient rire la galerie. Je riais d’une blague quand je sentis quelqu’un m’attraper le bras et me tirer hors de ma chaise. Quand je vis de qui il s’agissait un sourire vint éclairer mon visage, avant que la réprimande ne fuse. Ce qui eut pour effet de chasser mon sourire pour lui répondre sur le même ton que celui qu’elle avait utilisé pour s’adresser à moi. Comme si elle était la seule à s’inquiéter !
« Lâche-moi ! Tu en as de belles ! Je me morfonds dans ce trou à rat depuis des jours, je t’attends sagement, et toi tu n’es même pas capable de m’envoyer un petit message pour ne pas que je m’inquiète, pour me dire c’est bon, je vais rentrer ! Alors voilà ce que je fais ici : j’essaie de passer le temps et d’éviter de me ronger les sangs. Je bois un verre avec des amis pour penser à autre chose qu’à la possibilité de voir ton cadavre dans les journaux demain à la première heure. Tu ne veux pas que je t’accompagne, soit ! Mais tu pourrais au moins penser à m’appeler quand tu as deux minutes, non ? »
A la voir aussi nerveuse, je pensai que la chasse n’avait pas dû se dérouler comme prévu. Mais elle avait l’air en forme, si sa poigne pouvait être une indication… J’étais heureuse de la revoir mais Bon Dieu qu’elle pouvait être étouffante quand elle était fatiguée !
« Et puis, tu penses qu’un surnat va s’attaquer à quatre chasseurs d’un coup ?! »